jeudi 19 janvier 2012
L’OPÉRATION ÉPERVIER AU CAMEROUN EST-ELLE DANS LA TOURMENTE DES QUERELLES NORD-SUD : Amadou Ali vu par Atangana Mebara.
Le 5 janvier dernier, les forces de l'ordre ont empêché la dédicace de l'ouvrage «Lettres d'ailleurs. Dévoilement préliminaire d'une prise de l'Epervier du Cameroun», ouvrage signé de Jean-Marie Atangana Mebara, ancien secrétaire général de la présidence de la République ; en détention à la prison de Kondengui depuis environ 40 mois. Les médias qui ont couvert l'audience de ce jour-là au Tribunal de grande instance du Mfoundi rapportent que la première personne à avoir sollicité une dédicace de cet opuscule a été brutalisée par des gendarmes devant des proches de l'ex Sgpr, bouleversés et stupéfaits. Preuve, s'il en était encore besoin, que le livre suscité a rejoint la «famille» de ceux qui dérangent le pouvoir de Yaoundé.
En effet, dans son livre publié aux éditions L'Harmattan, Atangana Mebara, accusé notamment de détournements de deniers publics dans l'affaire Albatros, du nom de l'avion présidentiel dont l'achat s'est révélé foireux, écrit des lettres à différents individus,d'horizons divers: sa fille, Armelle Olive, les professeurs Victor Anomah Ngu (décédé) et Joël Moulen, François Mattei, journaliste français, auteur du «Code Biya», (publié aux éditions Balland en 2009), sa maman Olive Ngono, Mgr Joseph Akonga Essomba, (ancien) secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale, toutes les personnalités sous la menace de l'Epervier, et Amadou Ali (ancien) vice-Pm, ministre de la Justice.
Ci-contre, nous publions la lettre adressée à l'ancien garde des Sceaux, désormais vice-Pm, ministre délégué à la Présidence chargé des Relations avec les Assemblées. Une correspondance qui a probablement le mérite de fixer les esprits dans un contexte où les charges retenues contre certains prisonniers de luxe tombent les unes après les autres, à la veille de l'opérationnalisation du Tribunal criminel spécial et, à coup sûr, à la veille d'une énième phase de l'«Opération mains propres»
Monsieur le ministre,
Je voudrais d'abord vous rassurer: je ne sollicite rien de vous en ce moment. Je ne vous en veux pas non plus, à titre personnel.
Je dois d'ailleurs vous remercier pour le geste que vous avez eu à mon égard, à l'occasion de la fête du mouton de l'année 2009, en faisant livrer à mon domicile, un énorme bouc, comme d'ailleurs vous le faisiez depuis de nombreuses années, en tout cas pendant toutes les années où j'ai été secrétaire général de la présidence de la République. Cela peut avoir l'air insignifiant, mais un tel geste, fut-il de charité usuelle ou cultuelle, dans la situation qui est la mienne, ne s'oublie pas.
Au stade actuel, M. le ministre, j'ai seulement choisi de partager avec vous, qui êtes aujourd'hui en charge de ce secteur délicat qu'est la Justice, quelques réflexions que m'a inspirées jusqu'ici mon immersion dans les abysses de notre système judiciaire. L'objectif visé est que ces réflexions puissent servir, sinon à continuer à améliorer les choses, du moins à ouvrir certains débats (...). Je m'adresse à vous d'abord parce que vous êtes aujourd'hui en charge de ce secteur ; je m'adresse aussi à vous parce que vous êtes un des plus anciens aujourd'hui au gouvernement, au service de l'Etat, cette entité supérieure à nos familles, nos clans, nos tribus, nos régions et qui garantit ou veille à garantir notre vivre ensemble. A ce propos, beaucoup de nos concitoyens n'ont jamais compris qu'avec une si longue expérience au service de l'Etat, vous vous affichiez toujours, par des déclarations aussi abruptes que nombreuses, comme le plus ardent défenseur des intérêts d'une région, que vous appelez Septentrion ou grand Nord.
J'ai appris à vous déchiffrer, j'ai essayé de vous connaitre, depuis ces temps, déjà lointains (année 1992), où nous nous retrouvions souvent à la résidence de l'ancien Premier ministre, M. Sadou Hayatou, derrière l'Assemblée nationale. Vous m'avez souvent laissé le sentiment d'un responsable capable d'apprécier tout fonctionnaire sortant du lot par sa compétence et son dévouement au service de l'Etat, sans distinction de ses origines. Votre simplicité d'abord a souvent attiré autour de vous des jeunes cadres de toutes les tribus du Cameroun, en quête d'une protection ou d'une promotion (...).
De votre long séjour à la tête de la gendarmerie nationale et à la tête du ministère de la Défense, vous vous êtes constitué un vaste réseau d'informateurs informels, qui vous a souvent fait dire que vous êtes «l'homme le plus informé de ce pays», ajoutant parfois, «après le président de la République». même sans plus en avoir de responsabilité officielle, vous avez continué à vous occuper de rassembler des informations sur vos collègues et autres personnalités de ce pays, pour des exploitations surprenantes.
Et dans cette recherche quasi-pathologique du renseignement, vous êtes arrivé, malheureusement, à prendre à la lettre et au sérieux le moindre indice, parfois l'information même la plus invraisemblable. «Il ne faut rien négliger», avez-vous souvent dit ! Sans vous en rendre compte, vous êtes devenu un maniaque du «renseignement», voyant ou craignant des complots partout et derrière tout.
Je laisse de côté cette histoire d'une tombe que vous avez fait fouiller en pays bassa, sur la base d'une fausse information selon laquelle des armes auraient été cachées dans cette sépulture. Vous aviez oublié de m'en parler ; heureusement d'autres en ont conservé une mémoire fidèle.
Alors que je suis secrétaire général de la Présidence, vous vous souvenez de cette «information» que vous me servites un jour de l'an de grâce 2005, dans mon bureau, selon laquelle le ministre de l'Economie et des Finances, M. Abah Abah, venait de s'acheter un hôpital au Brésil pour plus de trois cents (300) millions de Fcfa. Je vous ai répondu que cela ne me paraissait pas vraisemblable, parce que chacun sait qu'un hôpital ne fait pas partie de ce qu'on peut considérer comme investissement rentable.
Déstabilisation
Il vous revient sans doute aussi en mémoire cette affaire que vous suiviez avec «les éléments de votre réseau» et qui tendait à établir que certains évêques anglophones du Cameroun, inspirés par un homme politique local, avaient noué des contacts avec un de leurs confrères évêques du Tchad pour tenter une déstabilisation du Cameroun à partir du Nord du pays. Grâce à l'intervention de la Direction générale de la recherche extérieure (Dgre) que j'avais sollicitée, vous vous êtes aperçu, quelques semaines plus tard, que vous aviez été manipulé dans cette affaire. Et vous vous êtes organisés pour que vos «éléments» interpellés par la Dgre se retrouvent rapidement en liberté.
On aurait pu penser que ces expériences malheureuses vous auraient guéri de cette pathologie de la «complotite». Que nenni ! j'ai ainsi appris, ici de mon lieu de détention, que vous aviez convoqué et présidé vous-même, le jeudi 15 avril 2010, une réunion consacrée aux informations selon lesquelles je sortais régulièrement de la prison, entre 23h et minuit, pour aller dormir chez moi ; vos informateurs vous auraient fourni quelques dates et heures précises. Vos collaborateurs participant à la réunion notamment le régisseur de la prison de Kondengui (qui n'est pas un ami) a eu le courage, à en croire mes sources, de vous démontrer l'incongruité d'une telle information, vous assurant que personne ne peut sortir de ce pénitencier après 19h, sauf cas d'urgence médicale.
Un autre participant vous aurait recommandé de transmettre en temps réel ce type d'information aux services de sécurité compétents, pour leur permettre de me prendre sur le fait. Malgré tout, vous avez cru devoir conclure qu' «il n ya pas de fumée sans feu» ! Il faut vraiment être un «rumor-addicted» pour vouloir absolument donner quelque crédit à des invraisemblances, qui du reste, avaient déjà été publiées par certains journaux à sensation.
Pourtant, M. le ministre, le Saint Coran recommande de rester clairvoyant face à des rumeurs. La sourate 049 est explicite à ce sujet. En effet, au verset 6, il est dit : «ô vous qui avez cru! si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bien clair en vous, (de crainte) que par inadvertance vous ne portiez atteinte à des gens et que vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait» ; et le verset 12 ajoute : «ô vous qui avez cru ! eviter de trop conjecturer (sur les autres) car une partie des conjectures est péché. Et n'espionnez pas, et ne médites pas les uns des autres...»
Pour qui espionnez-vous d'ailleurs ? Pour vous-même, pour le chef de l'Etat du Cameroun ou pour d'autres ? Comment achever ce volet de mon propos sans vous dire combien j'ai été surpris et choqué par vos confidences à des étrangers (des ambassadeurs de puissances étrangères) sur vos collègues, sur l'avenir du pays, sur les groupes ethniques qui sont disqualifiés pour la succession du président Biya et sans doute sur d'autres sujets. A travers les divulgations des comptes-rendus de vos rencontres avec l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique, j'ai eu la confirmation de vos idées sur cette succession, que vous développiez déjà devant certaines personnalités camerounaises, dès 2005, propos qui du reste m'avaient été rapportés (cela ne vous surprendra pas j'espère).
Comment voulez-vous alors ne pas être accusé d'avoir monté toute cette opération dite «Epervier», dans le seul but d'en finir avec ceux des cadres d'un de ces groupes disqualifiés en les accusant de tous les maux. Vous avez astucieusement utilisé le très léger ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique d'alors, un certain Niels Marquardt, pour transmettre au chef de l'Etat vos rumeurs et états d'âme, en faisant croire aux services américains.
On comprend mieux vos diverses interventions formelles, informelles et médiatiques sur cette fameuse opération. Vous avez fini par croire que vos affabulations, reprises par l'ambassadeur Niels Marquardt, étaient devenues des vérités par je ne sais quelle alchimie. C'est pour cela que vous éprouvez autant de difficultés aujourd'hui à apporter le moindre début de preuve à vos accusations. Voyez-vous, M. le minstre il n y a pas plus de crime que de complot parfait ! Si Dieu le veut, chacun devra un jour rendre compte du rôle qui aura été le sien dans cette sinistre mascarade politico-judiciaire, plus par souci de vérité que par motif de vengeance.
Extraits de «Lettres d'ailleurs. Dévoilements préliminaires d'une prise de l' «Epervier» du Cameroun».
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